Ecrits de Chine
1995, Beijing, Tianjin, Chengdu, Sanlong ...
 
 
Installation / suspens
 
 
 
 

 

Elève à l'Académie des Beaux-Arts d'Anvers en troisième année de peinture, j'ai bénéficié d'un échange scolaire avec l'Institut des Beaux-Arts de Tianjin, en République Populaire de Chine. La mauvaise organisation de cet échange m'a permis de jouir d'une liberté certaine de circulation et de communication. J'ai été introduite, en dehors du cadre scolaire, auprès de vieux et savants calligraphes pensant l'art hors du temps. À Beijing et dans la province du Sichuan, j'ai aussi rencontré la jeune génération choisissant d'autres pistes que la tradition chinoise, et fort attirés par l'art occidental contemporain.
 
J'ai apprécié, rencontrant l'art chinois, l'enseignement qui m'avait été donné à Anvers: construction, rigueur, concentration, et énergie, car actuellement en Chine, le conformisme, l'académisme, la répétition laissent peu de place à la nouveauté. J'ai relativisé mon rapport à la "tradition" occidentale, et compris enfin que le sens de ce terme dépend surtout de son interprétation par celui qui vous l'enseigne.
 
Je me présente ici comme pratiquant du pinceau balbutiant le chinois, ni théoricien ni historien, avec pour but premier l'aisance accomplie, la synthèse du meilleur des deux cultures goûtées.
 
Celui qui fonderait sa connaissance uniquement sur les textes esthétiques, risquerait fort de ne jamais toucher l'essence de la peinture, se retrouverait incapable parce que rongé par un idéal esthétique et restrictif. Et puis, cette image idéale n'a plus, ou peu, de réalité présente. La tradition chinoise d'avant "l'influence occidentale" est certes actuellement largement enseignée, promue et appréciée mais aussi manipulée par une politique culturelle considérant l'art comme un instrument sur la culture et non pas comme une composante de la culture.
 
Pire encore est le mythe de la calligraphie comme improvisation d'un geste figé dans le mystère des signes. Chine et calligraphie sont indissociables, mais le non-sinisant possède rarement les connaissances basiques qui lui en simplifieraient le contact. Je soupçonne l'ignorance du public occidental quant au mécanisme vital écriture en Chine, d'être à l'origine de son incompréhension magistrale pour l'art chinois toutes périodes confondues. Il est d'ailleurs remarquable que les artistes chinois vivants s'exportant en Occident n'aient que deux options possibles pour trouver le succès: satisfaire à l'exotique délicat traditionnel (paysage avec calligraphie et jardin coloré avec petites femmes érotisées), ou satisfaire les bonnes consciences par une peinture explicitement "dissidente". 
 
Face à une esthétique totalitaire nous prenons facilement une attitude de nostalgie, puisant dans la peinture ancienne chinoise une sensation de liberté harmonieuse.  
 
 
Cet héritage, est la symbiose de l'image et du texte, c'est l'Unique Trait de Pinceau.
 
Extrait des carnets de voyage
 
5: TIANJIN ... malvenue
 
école délabrée, au milieu: blanc 
prétentieux palladien, derrière: 
couloir puant
on ne m'attend pas c'est clair, 
mais on reste poli. On cherche 
un interprète. Finalement on m'emmène. 
saleté. ma chambre: sale 
moquette rouge orgueilleuse: 
sale. odeur de moisissure, grilles 
 
grilles aux fenêtres, vue sur 
le mur, ordre symétrique: fauteuil 
carrés (comme sur les images 
de rencontres officielles) 
de chaque côté de la table 
à thé. sandales de plastique 
bleu: pourquoi?
 
Visite du directeur du bureau 
des échanges internationaux: 
poli. toilettes: pas de porte, on 
entre on sort rideau entrebâillé 
siège au milieu, on entre on 
sort, eau coulante, baignoire 
encrassée fils à linge encrassés 
ici on ne se met pas pieds 
nus dans la douche, sandales 
bleue
_______________________________
6. TIANJIN ART SCOOL
CLASSE DE CALLIGRAPHIE 
 
studieux recopient régulièrement 
modèles de styles imprimés 
des centaines de stèles de 
pierre gravées et recopiées 
depuis deux millénaires imprimés 
pour copier; surprise! pas de 
geste envollé. ici on copie 
exactement           en détail
doucement
me met un pinceau dans la 
main me met au défit de copier 
le dragon enchevêtré moqueries 
copies
je les regarde: âge indéfinissable 
spontanéité refoulée
 
respectueuse
tout respire le refoulement 
et la limite, traits affaiblis 
composition faibles, goût de 
la sucrerie. Je n'en crois 
pas mes yeux . 
 
une parodie de peinture
 

 


 

 
 

 

 

 

 

 

 
Ecrits de Chine
1995, Beijing, Tianjin, Chengdu, Sanlong ...
 
 
Installation / suspens
 
 
 
 

 

Elève à l'Académie des Beaux-Arts d'Anvers en troisième année de peinture, j'ai bénéficié d'un échange scolaire avec l'Institut des Beaux-Arts de Tianjin, en République Populaire de Chine. La mauvaise organisation de cet échange m'a permis de jouir d'une liberté certaine de circulation et de communication. J'ai été introduite, en dehors du cadre scolaire, auprès de vieux et savants calligraphes pensant l'art hors du temps. À Beijing et dans la province du Sichuan, j'ai aussi rencontré la jeune génération choisissant d'autres pistes que la tradition chinoise, et fort attirés par l'art occidental contemporain.
 
J'ai apprécié, rencontrant l'art chinois, l'enseignement qui m'avait été donné à Anvers: construction, rigueur, concentration, et énergie, car actuellement en Chine, le conformisme, l'académisme, la répétition laissent peu de place à la nouveauté. J'ai relativisé mon rapport à la "tradition" occidentale, et compris enfin que le sens de ce terme dépend surtout de son interprétation par celui qui vous l'enseigne.
 
Je me présente ici comme pratiquant du pinceau balbutiant le chinois, ni théoricien ni historien, avec pour but premier l'aisance accomplie, la synthèse du meilleur des deux cultures goûtées.
 
Celui qui fonderait sa connaissance uniquement sur les textes esthétiques, risquerait fort de ne jamais toucher l'essence de la peinture, se retrouverait incapable parce que rongé par un idéal esthétique et restrictif. Et puis, cette image idéale n'a plus, ou peu, de réalité présente. La tradition chinoise d'avant "l'influence occidentale" est certes actuellement largement enseignée, promue et appréciée mais aussi manipulée par une politique culturelle considérant l'art comme un instrument sur la culture et non pas comme une composante de la culture.
 
Pire encore est le mythe de la calligraphie comme improvisation d'un geste figé dans le mystère des signes. Chine et calligraphie sont indissociables, mais le non-sinisant possède rarement les connaissances basiques qui lui en simplifieraient le contact. Je soupçonne l'ignorance du public occidental quant au mécanisme vital écriture en Chine, d'être à l'origine de son incompréhension magistrale pour l'art chinois toutes périodes confondues. Il est d'ailleurs remarquable que les artistes chinois vivants s'exportant en Occident n'aient que deux options possibles pour trouver le succès: satisfaire à l'exotique délicat traditionnel (paysage avec calligraphie et jardin coloré avec petites femmes érotisées), ou satisfaire les bonnes consciences par une peinture explicitement "dissidente". 
 
Face à une esthétique totalitaire nous prenons facilement une attitude de nostalgie, puisant dans la peinture ancienne chinoise une sensation de liberté harmonieuse.  
 
 
Cet héritage, est la symbiose de l'image et du texte, c'est l'Unique Trait de Pinceau.
 
Extrait des carnets de voyage
 
5: TIANJIN ... malvenue
 
école délabrée, au milieu: blanc 
prétentieux palladien, derrière: 
couloir puant
on ne m'attend pas c'est clair, 
mais on reste poli. On cherche 
un interprète. Finalement on m'emmène. 
saleté. ma chambre: sale 
moquette rouge orgueilleuse: 
sale. odeur de moisissure, grilles 
 
grilles aux fenêtres, vue sur 
le mur, ordre symétrique: fauteuil 
carrés (comme sur les images 
de rencontres officielles) 
de chaque côté de la table 
à thé. sandales de plastique 
bleu: pourquoi?
 
Visite du directeur du bureau 
des échanges internationaux: 
poli. toilettes: pas de porte, on 
entre on sort rideau entrebâillé 
siège au milieu, on entre on 
sort, eau coulante, baignoire 
encrassée fils à linge encrassés 
ici on ne se met pas pieds 
nus dans la douche, sandales 
bleue
_______________________________
6. TIANJIN ART SCOOL
CLASSE DE CALLIGRAPHIE 
 
studieux recopient régulièrement 
modèles de styles imprimés 
des centaines de stèles de 
pierre gravées et recopiées 
depuis deux millénaires imprimés 
pour copier; surprise! pas de 
geste envollé. ici on copie 
exactement           en détail
doucement
me met un pinceau dans la 
main me met au défit de copier 
le dragon enchevêtré moqueries 
copies
je les regarde: âge indéfinissable 
spontanéité refoulée
 
respectueuse
tout respire le refoulement 
et la limite, traits affaiblis 
composition faibles, goût de 
la sucrerie. Je n'en crois 
pas mes yeux . 
 
une parodie de peinture