GU, la limpidité antique
1998, Lille. Passage de Maîtrise arts plastiques.

 

 

Encres sur papier, 130 X 270cm

 

 

 

Débarquant pour une longue période dans ce monde où tout semble tourner à l’envers de l’occident, l’attention constamment en éveil pour m’adapter au plus vite, je me suis laissée imprégné de la pensée du quotidien chinois pour amortir les émotions et les chocs. D’une manière générale, dans et hors de l’Institut, le plus difficile à accepter, puisque j’étais concentrée sur l’expression de l’art, a été ce culte immodéré pour la répétition des thèmes symboliques, l’apprentissage par la copie des motifs et la déférence, que nous appellerions soumission au maître, qui ne diffère en rien de l’attitude générale de conformité aux règles hiérarchiques très pesantes dans la société chinoise.
 
J’aurais sans doute du être surprise de ne pas voir, dans cette académie de Tianjin, ni ailleurs, les peintures officielles telles qu’on les attend dans un régime totalitaire: l’austérité puissante, directe, détaillée des images à la gloire de l’Etat et de la Nation. Mais au contraire, fleurs, bambous, jeunes filles chamarrées, personnages de légende, calligraphies, couleurs, des symboles de la Chine éternelle qui n’ont pas l’air de prétendre à autre chose qu’agrémenter joyeusement l’atmosphère poussiéreuse des villes.
 
Absorbée que j’étais à apprendre, j’étais prise moi même dans cet engrenage qui vous fait répéter inlassablement les mêmes signes et répéter les mêmes mots. Je baignais dans ce qui avait l’air d’une harmonie (non pas visuelle parce que tout était plus ou moins insalubre), mais spirituelle: gymnastique chinoise tôt le matin, eau chaude offerte en bienvenue, assiduité et bonne humeur des étudiants dans une certaine discipline de vie sans laquelle on se condamne à dépérir.

 

 
Et il faut savoir accepter le sentiment d'être bête devant l'aisance qu'ont les chinois à manipuler le pinceau et les lignes. Mais nous admirons la calligraphie cursive au pinceau comme si sa spontanéité (illusoire) était incompatible avec la raison occidentale; comme si la technique de l'encre de Chine garantissait la liberté de la touche interdite aux Rembrandt et aux Rubens?
 
Etablir le dialogue entre l'esprit et la main" est l'élémentaire que nous ne savons pas exploiter dans la scission de la théorie et de la pratique, du concept et de la matière. La leçon essentielle de la calligraphie et de la peinture chinoises est le principe de l'incitation à la concentration, autrement dit, "être présent à ce que l'on fait".
 
En Chine, cette connaissance basée sur l'écrit et qui est la condition à l'aisance de la composition, du toucher, du fluide, s'infiltre doucement en vous dès que vous apprenez à écrire, c'est à dire à tenir, encore aujourd'hui, un pinceau. Qu'en sera-il des générations-ordinateurs qui liront les caractères sans jamais les écrire?
 
Je me présente ici comme pratiquant du pinceau balbutiant le chinois, ni théoricien ni historien, avec pour but premier l’aisance accomplie, la synthèse du meilleur des deux cultures goûtées.

 

Extrait du mémoire  http://li.van.taan.kcoc.free.fr
 

 

 

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